Perspectives 2018 d’EMC

Olivier Rigot, EMC Gestion de Fortune

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Le panachage des portefeuilles d’entreprises industrielles et financières est à renforcer.

Nous aborderons les perspectives pour l’année 2018, à l’instar de ces dernières années, en citant un certain nombre de facteurs d’opportunités et de risques qui pourraient influencer l’évolution des marchés. En 2017, les facteurs de chances l’ont clairement emporté.

Opportunités
  • L’économie mondiale poursuit sa sortie de la spirale déflationniste de cette dernière décennie, les taux d’intérêt réels redeviennent positifs, les banques commerciales jouent à nouveau leur rôle de courroie de transmission des mécanismes du crédit et la croissance économique mondiale continue d’accélérer sans risque d’un retour marqué de l’inflation.
  • Les Etats-Unis continuent de jouer le rôle de locomotive économique mondiale, dans un contexte de synchronisation de l’économie mondiale, s’inscrivant dans la continuité de l’année 2017.
  • La politique fiscale votée au mois de novembre aux Etats-Unis, promulguant une baisse significative des impôts, stimule les investissements dans le domaine des infrastructures mais aussi la consommation des ménages, par une revalorisation des politiques salariales menée par les entreprises ayant bénéficiées d’allégements fiscaux.
  • La Banque centrale américaine continue de normaliser progressivement sa politique monétaire en augmentant modérément ses taux d’intérêt directeurs sans heurter les marchés financiers. Dans ce contexte, le dollar américain pourrait progresser contre les grandes monnaies occidentales.
  • Les banques européennes, après avoir épuré leur bilan de créances douteuses, jouent à nouveau leur rôle de courroie de transmission des mécanismes du crédit et prêtent enfin aux entreprises et aux particuliers, contribuant à restaurer un climat de confiance dans la zone euro.
  • Les réformes structurelles mises en place par les Etats européens commencent à porter leurs fruits: un marché du travail dérégularisé et flexibilisé redonne de la compétitivité aux entreprises et permet à ces dernières d’engager du personnel. La France, sous l’impulsion des mesures prises par le gouvernement Macron, enregistre une forte accélération de sa croissance et voit enfin son taux de chômage reculer sensiblement.
  • La Chine réussit sa transition d’une économie axée sur la sous-traitance manufacturière pour le reste du monde vers des produits et services incorporant davantage de valeur ajoutée, progressant ainsi dans la chaîne de création de valeurs. La croissance devient plus équilibrée et s’oriente progressivement vers la consommation interne des ménages dont le revenu augmente ; les déséquilibres du commerce mondial s’atténuent.
  • La reprise des prix des matières premières permet aux économies des pays émergents de renouer avec la croissance, d’équilibrer les budgets et de redonner du pouvoir d’achat aux consommateurs de ces pays.
  • L’économie mondiale entre dans un cercle vertueux composé de taux d’intérêt structurellement bas, de prix de l’énergie bon marché, d’une croissance économique en reprise dans un contexte d’inflation basse. Ce cocktail rappelle le cycle des années 80, baptisé «la désinflation», très favorable pour les actions ; les bourses reprennent leur ascension, aidées par l’afflux de liquidités disponibles auprès des investisseurs, la reprise de la croissance organique, l’amélioration des bénéfices des entreprises et une réallocation des actifs financiers en faveur des actions.
 
Risques
  • Une soudaine croissance très forte de l’économie américaine oblige les autorités monétaires à resserrer drastiquement les conditions d’octroi de crédit et à augmenter les taux directeurs de manière précipitée, provoquant une très forte volatilité sur les marchés financiers.
  • A l’inverse, l’économie mondiale retombe dans la déflation à cause d’un excès d’offre de biens et services que le consommateur, au pouvoir d’achat exsangue, n’arrive pas à absorber. «L’ubérisation de l’économie» exacerbe ce phénomène. Cette situation contribue à creuser davantage les déficits publics et empêche les Etats de mener des politiques budgétaires anticycliques de relance par des réductions d’impôt et d’augmentation des dépenses publiques. Le protectionnisme, prôné par les partis populistes et le président américain Donald Trump, revient en force et le commerce mondial ralentit fortement.
  • Les politiques monétaires divergentes entre les Etats-Unis et le reste du monde entraînent un regain de tension sur le marché des changes, source d’instabilité et de forte volatilité sur les marchés financiers. L’euro continue de s’apprécier sur le marché des changes et tue dans l’oeuf la reprise économique européenne.
  • Le manque de main d’oeuvre qualifiée freine la reprise économique et une spirale coûts/salaires est amorcée dans certains secteurs, un phénomène que nos économies n’ont plus connu depuis des décennies. On observe déjà cette tendance chez les pilotes de ligne, les ingénieurs, dans l’industrie de la construction en Allemagne, dans l’audit et la sécurité informatique, par exemple.
  • L’Italie demeure le maillon faible de l’Eurozone et représente de plus en plus un risque systémique pour l’Europe tant que des réformes structurelles ne sont pas entreprises.
  • Une accélération de la croissance économique mondiale pourrait provoquer une pression à la hausse sur les prix des matières premières et générer une inflation plus forte qu’attendue et, en conséquence, exercer une forte pression sur les marchés obligataires. Les sociétés minières ont sous-investi ces dernières années dans le contexte de déflation que nous avons largement évoqué, l’effet de ciseaux entre une offre insuffisante et une demande forte pourrait provoquer une sensible hausse des prix des matières premières.
  • La montée du nationalisme dans un certain nombre de pays et, corollaire, le recul de la démocratie freine l’investissement transfrontalier et le commerce mondial par la mise en place de mesures protectionnistes.
  • La suprématie d’un certain nombre de grands groupes technologiques conduit à la création d’un oligopole numérique à l’échelle mondiale que les gouvernements et les agences supranationales n’arrivent plus à contrôler et à réglementer.
  • La révolution digitale devient un outil puissant pour les Etats et leur permet de contrôler les moindres faits et gestes de la vie quotidienne des citoyens. En conséquence, les libertés individuelles et la liberté d’expression sont attaquées et la démocratie recule partout. Nous assistons à l’émergence de dictatures douces.
  • La complaisance des investisseurs à l’égard des placements boursiers les pousse à surpayer les actions nettement au-delà de leurs potentiels de croissance et conduit à la formation d’une bulle boursière.
  • L’intérêt de certains investisseurs pour les cryptomonnaies est symptomatique de la formation d’une nouvelle bulle financière et crée les conditions d’un nouveau risque systémique pour l’économie mondiale lors de son éclatement.

 

TENDANCES CONFIRMÉES SUR LES OBLIGATIONS

En 2017, nous avions recommandé, dans un contexte de reprise économique mondiale modérée et dans un environnement de taux d’intérêts bas, de privilégier les actions par rapport aux obligations, notamment les actions de sociétés actives sur les cinq continents. Ce scénario s’est effectivement matérialisé dans les faits. Nous nous attendions à des marchés moins heurtés qu’en 2016 et, corollaire, à une volatilité plus basse. Dans ce contexte, les marchés boursiers ont été porteurs mais très sélectifs, valorisant fortement les sociétés qui délivrent une croissance régulière de leurs bénéfices et sanctionnant, par contre, les sociétés ayant déçu la communauté des investisseurs.
Dans cet environnement de taux d’intérêt bas, la contribution de la partie obligataire au rendement global des portefeuilles a été très faible et nous avons continué de privilégier des émissions obligataires d’entreprises et d’échéances plutôt courtes. Nous nous sommes, en revanche, tenus à l’écart des matières premières et des investissements alternatifs tels que les «hedge funds», investissements traditionnellement non corrélés mais qui ont, à nouveau, déçu les investisseurs l’année passée. Enfin, nous avons maintenu, en fonction des clients, une faible position en or physique. L’allocation s’est également vue complétée, dans certains cas spécifiques, par de l’exposition dans le «private equity» et l’immobilier coté. Globalement, cette stratégie a ainsi permis aux portefeuilles et aux fonds de placement que nous gérons de surperformer les indices de référence.

LES ACTIONS RESTENT L’ACTIF FINANCIER LE PLUS ATTRAYANT

En ce début d’année 2018, nous estimons que le domaine obligataire continue d’offrir peu de perspectives de rendement intéressantes, c’est même la classe d’actifs qui incorpore le plus de risques en cas d’accélération prononcée et durable de l’économie mondiale. A l’inverse, nous conservons notre biais positif sur les actions qui continuent de représenter, à notre avis, l’actif financier le plus attrayant pour les investisseurs. La combinaison des conditions-cadres «politique monétaire encore très accommodante» et «amélioration des perspectives de croissance, y compris en Europe», reste en effet favorable à cette classe d’actifs. La progression des marchés devrait s’accompagner toutefois de régulières phases de corrections rapides et violentes au gré de l’actualité géopolitique et économique.

UNE GRANDE SÉLECTIVITÉ RESTE DE MISE

C’est la raison pour laquelle nous préconisons encore une grande sélectivité dans la construction des portefeuilles. Nous privilégions toujours des sociétés possédant une forte franchise et une capacité d’innovation, capables de générer de la croissance organique, présentes mondialement et qui bénéficient de la tendance séculaire liée à la globalisation des échanges et à l’élévation du niveau de vie dans les nouveaux marchés. Les sociétés générant des dividendes réguliers et généreux devraient continuer à être recherchées, notamment dans des marchés qui pourraient devenir plus volatils. Durant l’année 2017, nous avions maintenu un biais orienté sur les valeurs défensives et de consommation tout en recommandant de considérer des valeurs cycliques, industrielles et certaines moyennes capitalisations. En ce début d’année 2018, nous recommandons, du point de vue sectoriel, toujours de panacher les portefeuilles d’entreprises industrielles et financières afin de se repositionner sur les valeurs plus sensibles à la conjoncture et qui devraient bénéficier de l’accélération de l’économie globale. Nous recommandons de maintenir, voire renforcer ce positionnement en fonction des conditions des marchés. Enfin, et suite à la stabilisation du prix du pétrole, certains segments de l’énergie devraient également bénéficier d’un certain regain d’intérêt de la part des investisseurs.

 

Ces perspectives 2018 sont associées à L’année économique et financière 2017 vue par EMC.

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