Volatilité et gestion passive: une équation difficile

Nicolette de Joncaire

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En supprimant la volatilité, les banques centrales ont favorisé la gestion passive. Et maintenant? Entretien avec Chris Wallis de Vaughan Nelson.

 

La gestion passive a connu une très forte croissance sur les dix dernières années, de 20% par an en moyenne. En 2017, cette croissance s’est notablement accélérée. Selon les estimations, la gestion passive représenterait entre 50 et 70% du marché aujourd’hui, un succès dû à son cout faible et à une performance parfois décevante de la gestion active. Mais les conditions changent. L’assouplissement monétaire est terminé (tout au moins aux Etats-Unis) et la volatilité est de retour. La gestion passive peut-il tenir le choc d’une volatilité retrouvée? Les réponses de Chris Wallis, CEO de Vaughan Nelson et gérant actif par excellence, qui intervenait au cours du débat «Shaping the Future of Active Management» tenu pendant le Natixis Investment Managers Summit la semaine dernière.

La gestion passive peut-elle continuer à réussir dans les conditions de marché qui se dessinent cette année?

La gestion passive ne s’intéresse pas aux mécanismes de détermination des prix qui sont essentiels en période de volatilité. En supprimant volatilité et rendements financiers, la politique d’assouplissement monétaire des banques centrales a favorisé la gestion passive. Avec l’assèchement des excès de liquidité, la revalorisation des actifs est inévitable et la gestion passive va devoir faire face à des vents contraires. C’est en temps de volatilité que la gestion active peut se distinguer. En tant que gestionnaire actif, j’estime que la volatilité est ma meilleure alliée.

Le débat sur les frais s’éteindra de lui-même lorsque
les performances de la gestion passive avoisineront zéro.
La gestion passive offre toutefois l’avantage de frais très inférieurs.

Le problème n’est pas tant de niveau des frais que de performance nette. En période de rendements faibles, les coûts très modestes offerts par la gestion passive sont un atout indéniable. Il faut aligner le modèle de rétribution des gestionnaires actifs avec l’intérêt du client, sous forme de commissions établies en fonction de la performance réalisée. En tout état de cause, le débat sur les frais s’éteindra de lui-même lorsque les performances de la gestion passive avoisineront zéro.

Vous gérez activement plusieurs portefeuilles d’actions US dont l’un, très concentré, sur l’ensemble des capitalisations. Quelle est votre stratégie?

Notre portefeuille All Caps est effectivement très concentré puisqu’il ne compte que 25 positions tout en ayant la même diversification de facteurs que le S&P500. Notre objectif est un rendement annuel composé de 15% que nous obtenons en investissant sur des titres qui rendront 50% sur trois ans. Parce que l’assouplissement quantitatif conduit par la banque centrale a déformé les valorisations, nous accordons beaucoup d’importance à ne cibler que des titres dont le prix reflète les fondamentaux, évalués sur une base d'actualisation des flux de trésorerie. Comme au bon vieux temps…

La réduction du bilan de la banque centrale et le relèvement
des taux vont forcer une revalorisation des actifs.
Vous êtes critique des effets du QE. Pourquoi?

L’assouplissement quantitatif a été nécessaire en phase 1 et au début de la phase 2. Mais de thérapie, il est devenu poison, créant plus de liquidité que le marché ne pouvait en absorber, affaiblissant la volatilité et réduisant les primes de risque. Le ratio richesse (valeur des actifs) sur PIB a atteint 4,9 aux Etats-Unis, une valeur hors norme puisque que sa moyenne de long terme se situe en 3,6 et 3,8. La réduction du bilan de la banque centrale et le relèvement des taux vont forcer une revalorisation des actifs car les entreprises ne seront plus en mesure de se refinancer aussi aisément ce qui induira une baisse du taux de croissance.

Nous sommes au lendemain des élections de mi-mandat et les regards se tournent vers l’endettement américain et le rôle du dollar. Qu’en pensez-vous?

Avec la fin de sa convertibilité en or en 1971, le dollar est progressivement devenu la première exportation des Etats-Unis, financée d’abord par l’Europe et le Japon, puis par la Chine. Pour la première fois en soixante ans, les étrangers ont cessé d’acheter de la dette américaine. Dans ce contexte, notre déficit ne peut être financé… que par nous-même. D’autant qu’avec l’essor du yuan comme devise de référence dans le commerce international, le dollar perd progressivement son poids de monnaie d’échange et de réserve… au moment où nous en aurions le plus besoin.