Un rebond - pas encore une inversion de tendance

Yves Hulmann

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Gergely Majoros reste prudent sur la solidité du mouvement haussier. Mieux vaut miser sur des entreprises capables de délivrer une croissance durable.

Gergely Majoros, membre du comité d’investissement chez Carmignac, estime qu’il est encore trop tôt pour anticiper le retour à une politique monétaire plus accommodante de la part de la Réserve fédérale américaine, qui serait susceptible de soutenir le rebond des marchés durant le reste de l’année 2019. Dans ce contexte, l’expert recommande d’investir dans des entreprises de qualité qui sont capables de délivrer une croissance durable, indépendamment du cycle économique en cours.

Après la plongée des marchés survenue au quatrième trimestre 2018, avez-vous été surpris par l’ampleur du rebond qui a suivie à partir de janvier? Est-ce un rebond technique ou une véritable inversion de tendance?

C’est une réaction relativement logique et à laquelle on pouvait s’attendre. De notre point de vue, il s’agit avant tout d’un rebond, mais pas encore une inversion de tendance – du moins pour l’instant.

A quoi faudra-t-il être particulièrement attentif durant le reste de cette année?

Il faudra être attentif à certains points d’inflexion – ou «game changers» en anglais. Deux aspects devront être surveillés en particulier: d’une part, la politique de la Réserve fédérale (Fed) bien sûr et, d’autre part, l’évolution de la politique économique en Chine. Concernant la Fed, la question sera de savoir si elle va redevenir plus accommodante en seconde partie d’année. On a vu début janvier la Fed s’est mise en mode «pause». C’est fait, et c’est ce qui a contribué à déclencher le mouvement de rebond des marchés au début du mois dernier.

Au second semestre, il y a davantage de chances qu’il y ait
des surprises positives du côté de l’économie chinoise.
Et concernant la Chine?

La seconde question concernant une relance chinoise plus marquée reste ouverte. Vu le ralentissement cyclique actuel, il est légitime de s’attendre à plus de politique de soutien en Chine. Cependant à court terme, un certain nombre de considérations monétaires et géopolitiques rendent une action plus prononcée du leadership chinois plutôt compliquée à mettre en œuvre. Pour ne citer qu’un exemple, une politique plus expansive pourrait mettre la monnaie chinoise sous pression. Ce qui n’est sans doute pas la chose la plus judicieuse à faire en période de négociation commerciale avec l’administration Trump.

Les marchés ne prennent-ils pas facilement pour acquis le fait que Jerome Powell ne resserrera pas davantage les taux directeurs de la Fed au cours de cette année? L’économie américaine tourne malgré tout toujours à un régime relativement élevé…

L’évolution future des marchés dépendra de la réponse aux deux questions évoquées précédemment: premièrement, est-on arrivé à la fin du processus de la normalisation des taux? Oui, il y a de fortes chances. Deuxièmement, s’oriente-t-on vers une politique plus accommodante de la part de la Fed? Il est ici encore trop tôt pour le dire. Dès lors, si la récente hausse des marchés depuis janvier repose déjà sur la prise en compte de la seconde hypothèse, beaucoup d’investisseurs pourraient être déçus par la suite. On ne sait pas encore si la Fed va oui ou non mettre en place une politique plus accommodante vers la fin de l’année ou l’an prochain.

Concernant la Chine, faut-il redouter un ralentissement plus prononcé?

L’économie chinoise est clairement en phase de décélération. Maintenant, il faut aussi tenir compte de la spécificité du système chinois: étant donné que le pays est dirigé par un seul parti, le gouvernement a, davantage qu’en Occident, la possibilité de mener des actions pro-cycliques. Comme évoqué précédemment, au second semestre, il y a davantage de chances qu’il y ait des surprises positives du côté de l’économie chinoise.

Nous pensons que les corrections survenues en 2018 ont été provoquées
par des facteurs fondamentaux lorsque l’on y regarde de près.
Plusieurs événements, très médiatisés, qui ont pesé sur les marchés en seconde moitié de 2018 – guerre commerciale, incertitudes liées au shutdown aux Etats-Unis – étaient souvent de nature plus politique qu’économique. L’attention des marchés se portera-t-elle en 2019 à nouveau plus sur les aspects fondamentaux que l’an dernier?

Notre interprétation des événements est un peu différente. Nous pensons que les corrections survenues en 2018 ont été provoquées par des facteurs fondamentaux lorsque l’on y regarde de près. Les marges des entreprises, notamment aux Etats-Unis, ont commencé à être remises en question sous l’effet de la hausse des salaires. Dès que les salaires, qui constituent le principal bloc de coûts pour de nombreuses entreprises, augmentent, les marges s’érodent. Et lorsque les marges ne s’améliorent plus, stagnent, voire diminuent, le marché n’est plus disposé à payer des multiples de bénéfices aussi élevés. Dorénavant, les marchés seront très focalisés sur les fondamentaux des sociétés.

Quelles en sont les implications en termes d’investissement?

Pour l’essentiel, notre approche reste la même. Nous mettons l’accent sur des entreprises de qualité qui sont capables de délivrer une croissance durable, indépendamment du cycle économique en cours. Nous pensons qu’il y aura de moins en moins d’entreprises qui seront capables de générer à la fois une croissance régulière de leur chiffre d’affaires et ainsi de leurs bénéfices. A l’avenir, la valorisation des sociétés qui satisfont à ces critères deviendra ainsi plus élevée. Nous pensons qu’il faut saisir les opportunités actuelles suite aux corrections récentes pour se positionner pour cet environnement de croissance de plus en plus rare des prochaines années.

Dans quels secteurs et régions trouvez-vous des sociétés qui satisfont à ces critères?

Principalement dans les technologies, la santé et la consommation discrétionnaire. Nous recherchons des sociétés qui ont encore la croissance devant elles, pas nécessairement des entreprises issues d’une branche en particulier. Par régions, nous en trouvons actuellement surtout aux Etats-Unis, très peu en Europe.

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