Naissance d’une bourse asiatique

Nicolette de Joncaire

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«Notre objectif est de faire entrer le Kazakhstan au MSCI Emerging Markets», déclare Amina Turgulova de l'Astana International Exchange (AIX).

 

En partenariat avec le Shanghai Stock Exchange et le NASDAQ et dans le contexte de l’Astana International Financial Centre (AIFC), une nouvelle bourse voit le jour au Kazakhstan. L'Astana International Exchange (AIX) négociera toutes les classes d’actifs financiers dans un cadre juridique aligné sur les normes internationales de protection des investisseurs étrangers. Un amendement à la constitution du pays a permis au cadre légal d’évoluer dans le sens d’une gouvernance plus adaptée aux marchés internationaux, avec l’introduction d’un régime de droit parallèle basé sur le « common law » britannique. Le Kazakhstan entend gérer ainsi les flux financiers dégagés par le programme de privatisation en cours d’achèvement ainsi que ceux générés par l'initiative chinoise «Belt and Road» (ou Route de la Soie), soit déjà 2 milliards de dollars attribués à l’infrastructure kazakhe. Entretien avec Amina Turgulova, directrice générale adjointe de l’AIX.

Pourquoi une nouvelle plateforme? N’existe-t-il pas déjà une bourse kazakhe?

Il était plus simple de créer une nouvelle plateforme dans un cadre légal parallèle que de vouloir réformer les instruments existants. La bourse kazakhe actuelle – où j’ai longtemps travaillé - est, pour l’essentiel, consacrée au marché des devises et placée sous le contrôle de la banque centrale dans le cadre d’une juridiction kazakhe centrée sur le marché domestique. L’AIX entend créer un pool de liquidité à la fois local et international plus adapté en aidant les intermédiaires financiers kazakhs à s’ouvrir aux exigences des marchés mondiaux. L’AIFC leur offrira un support technique (dont il couvrira les frais), des formations et d’autres services dont la traduction en russe des documents.

Nous envisageons une capitalisation
de marché de 50 à 60 milliards de dollars.
Quels instruments entendez-vous couvrir?

Une gamme complète d’actions – dont celles générées par le programme de privatisation en cours –, d’obligations, d’ETF et de matières premières. Sur le marché obligataire, nous offrirons aussi bien des titres souverains que quasi-souverains, des obligations d’entreprise, des dim sum, des eurobonds, des obligations structurées et des obligations vertes.

Quelle taille de marché anticipez-vous et sur quelles hypothèses sont basées vos prévisions?

Nos prévisions sont fondées sur un modèle établi par le cabinet d’études Oliver Wyman et nous espérons une capitalisation de marché de l’ordre de 50 à 60 milliards de dollars dans les trois premières années, soit à peu près 30 à 40% du PIB. Les volumes devraient se monter à 10-20 milliards par an, environ 20% de la capitalisation totale. L’une des hypothèses importantes est que les sociétés kazakhes renonceraient à être cotées sur d’autres bourses. Il y a certes davantage de liquidité à Londres où une quinzaine d’entreprises kazakhes sont listées mais nous avons remarqué qu’après un intérêt initial post-cotation, les transactions décroissent et la valorisation diminue. Nous leur assurerons de meilleures conditions fiscales et une valorisation plus stable que ce qu’elles peuvent trouver à l’étranger.

Vous préconisez une plateforme de pré-IPO pour les investisseurs stratégiques.

Les sociétés qui envisagent un IPO peuvent entrer, par notre intermédiaire, en contact avec des investisseurs clé. Ce concept me parait particulièrement important dans la mesure où il fournit une visibilité à des entreprises peu connues et les forme à affronter les marchés de capitaux.

L'autre directeur général adjoint de l'AIX
est Sam Yan du Shanghai Stock Exchange.
Quels montants représentent les investisseurs kazakhs?

Au total, les placements devraient se monter à près de 200 milliards de dollars. Notre fonds souverain compte pour environ 66 milliards de dollars. En y ajoutant les fonds de pension nationaux, les placements se montent à 100 milliards de dollars. Il faut encore y adjoindre 25 milliards déposés par les entreprises auprès des banques, 25 milliards d’épargne privée et 30 milliards de réserves de change. En outre, nous attendons les investisseurs chinois dans le cadre de l'initiative chinoise «Belt and Road» ainsi que les fonds des banques d’investissement en infrastructure asiatiques.

Est-ce dans le cadre de la «Belt and Road» que l’AIX est entré en partenariat avec le Shanghai Stock Exchange?

C’est effectivement le cas. D’ailleurs, mon homologue, co-directeur général adjoint de l’AIX, est Sam Yan du Shanghai Stock Exchange. L’AIX est donc dirigé par un CEO à l’expérience internationale, le néo-zélandais Tim Bennett, ancien directeur du NZX, par une Kazakhe et par un Chinois. Outre ses fonctions à l’AIX, Sam Yan sera en charge du département « Route de la Soie » et de toutes les cotations qui naitrons des sociétés nées de l’initiative.

Où en est le programme de privatisation  sur lequel vous comptez pour lancer l’AIX?

Je n’ai pas de point d’avancement exact mais il faut savoir que six sociétés seulement représentent 90% du total de ces privatisations dont la valorisation est grossièrement estimée à 25 milliards de dollars. La compagnie pétrolière à elle seule en vaut environ 20 milliards, une estimation fluctuant avec le cours du pétrole.

Nous travaillons sur un sous-segment dédié
aux entreprises minières sur le modèle canadien.
Le Kazakhstan étant principalement un producteur de minerai et d’énergie, avez-vous songé à offrir des facilités aux entreprises minières sur le modèle du TSX canadien?

Oui, nous travaillons sur un sous-segment dédié aux entreprises minières sur le modèle canadien mais, contrairement au TSX, nous ne voulons pas réserver les avantages aux start-ups. Toutes les compagnies minières pourront en bénéficier. Notez à ce propos que le Kazakhstan a mis en œuvre une réforme de son code minier, en ligne avec les standards du CRIRSCO.

De manière plus générale, quels seront les avantages consentis aux sociétés qui coterons sur votre plateforme?

Elles ne paieront pas d’impôt sur les plus-values, ni sur les revenus d’intérêt, ni non plus sur les dividendes pendant 50 ans.

Le Kazakhstan souffre-t-il de la hausse des taux US?

Comme tous les pays émergents. Ceci dit c’est surtout le prix du pétrole qui gouverne le tenge et les investissements au Kazakhstan puisque 40% de notre PIB découle directement du pétrole (60% en comptant les industries associées).