La BCV privilégie une croissance durable de ses activités

Yves Hulmann

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Pascal Kiener, son directeur, estime que la banque peut encore davantage se développer auprès de la clientèle institutionnelle.

L’exercice 2018 a été marqué par une nouvelle progression des activités de la Banque Cantonale Vaudoise (BCV). Le Groupe BCV a vu ses revenus progresser de 1% à 977 millions de francs (967 millions en 2017), tandis que le résultat opérationnel a crû de 4% à 403 millions (387 millions). A la faveur aussi de produits extraordinaires de 35 millions, plus élevés que l’an précédent (17 millions), le bénéfice net est, lui, ressorti à 350 millions (320 millions), en progression de 9%. Le volume d’affaires hypothécaires a, lui, progressé de 3% pour atteindre 26,1 milliards de francs. Pascal Kiener, directeur de la BCV, fait le point sur l’exercice écoulé et les perspectives de développement du groupe.  

En 2018, la BCV a réalisé un bénéfice net de 350 millions de francs, en hausse de 9% sur un an et qui a dépassé les attentes. Après avoir été inchangé ou en hausse chaque exercice depuis 2008, le dividende sera une nouvelle fois rehaussé de 2 francs à 35 francs cette année. Rien ne semble pouvoir venir enrayer la progression de la machine BCV…

Je n’affirmerais pas que rien ne puisse venir un jour enrayer la machine BCV. Néanmoins, je pense que nous avons, depuis 2008, mis en place une stratégie claire qui va dans le sens d’une croissance durable de nos activités. En 2003, puis en 2008, nous avons abandonné certaines activités à risque, comme le trading pour propre compte. Aujourd’hui, s’il devait y avoir un risque pour notre établissement, il viendrait certainement du marché hypothécaire. Ce risque est toutefois à relativiser : la BCV est parvenue à surmonter de nombreuses phases difficiles sur les marchés et je ne pense pas qu’il y ait des raisons de s’inquiéter. Il y a 20 ans, certains prédisaient que le modèle d’affaires des banques cantonales ou régionales n’avait plus d’avenir. Les 15 dernières années ont prouvé le contraire.

Nous avons décidé de contribuer à freiner
les risques d’apparition d’une bulle hypothécaire.
Mettez-vous en place des mesures spécifiques pour prévenir les risques évoqués en rapport avec le marché hypothécaire?

Cela a déjà été le cas à partir de 2011. A fin 2011, nous avons pu observer une très forte croissance des prix et des volumes sur l’arc lémanique. Nous avons décidé de contribuer à freiner les risques d’apparition d’une bulle hypothécaire. Nous préférons croître dans le domaine hypothécaire à un rythme annuel de l’ordre de 3 à 4% plutôt que d’assister à une flambée de 10% sur un an, susceptible d’être suivie de difficultés.

Hormis l’évolution du marché de l’immobilier et des hypothèques proprement dites, l’arrivée sur le marché de nouvelles solutions technologiques permettant de conclure des hypothèques en ligne, ou qui facilitent la comparaison des tarifs, continueront d’exercer une pression sur les prix. Que proposez-vous à vos clients pour qu’ils n’aillent pas chez la concurrence?

Il est certain que le marché est devenu plus concurrentiel et que cela entraîne une pression sur les marges. En conséquence, nous devons, d’une part, nous adapter au niveau des prix – et c’est tant mieux pour nos clients. D’autre part, nous devons aussi nous adapter à l’évolution de leurs besoins en leur proposant des solutions technologiques appropriées, notamment dans le domaine des applications mobiles. Bien sûr, la BCV n’a pas pour ambition de devenir leader sur plan technologique. Néanmoins, compte tenu des moyens dont nous disposons, nos solutions n’ont rien à envier à celles de certains concurrents beaucoup plus grands que nous. Dans l’App store d’Apple, la note de BCV mobile est l’une des plus élevées en Suisse. Le numérique est un facteur de concurrence et nous nous y adaptons activement.

Quels sont les atouts spécifiques d’une banque cantonale comme la BCV par rapport à de nouveaux prestataires « tout numériques » capables de proposer des prestations semblables à des coûts très inférieurs?

D’une part, je pense que la notion de confiance reste essentielle, même à l’ère numérique. On observe que certains de nos clients essaient de nouvelles solutions proposées par de nouveaux prestataires, comme Revolut par exemple. Souvent, ces clients transfèrent quelques milliers de francs sur ce type de plateformes pour régler leurs paiements à l’étranger. Ce n’est pas pour autant qu’ils vont leur confier l’entier de leurs revenus. C’est valable aussi pour les PME qui aiment souvent avoir un interlocuteur à qui s’adresser. La notion de proximité reste un atout important pour les clients.

Le gain supplémentaire résultant de
la RIE sera reversé aux actionnaires.
Concernant le financement des hypothèques, les caisses de pension et les assurances peuvent offrir des tarifs plus bas. Comment y faire face?

Les assureurs exercent clairement une pression sur les prix. Néanmoins, leurs priorités sont différentes : lorsqu’elles financent des hypothèques, c’est surtout pour pouvoir placer leur propre argent dans le but d’en obtenir un rendement correct et non pour conquérir l’ensemble de ce marché. Cette concurrence se fait ressentir avant tout sur le segment de l’immobilier de rendement – moins au niveau du financement de logements pour des particuliers.

Suite à la réforme de l’imposition des entreprises mise en place dans le canton de Vaud, la charge fiscale de la BCV devrait être réduite d’environ 30 millions de francs en 2019. L’impact positif ainsi obtenu sur le bénéfice sera-t-il aussi redistribué aux actionnaires sous forme de dividendes?

Pour l’exercice 2018, avec un bénéfice net de 350 millions de francs, la BCV paie 88 millions d’impôts. A supposer que nous réalisions cette année à nouveau un bénéfice de même ampleur, les impôts payés ne seraient que d’environ 50 millions à la suite de cette réforme. Le gain supplémentaire résultant de cette différence – soit environ 30 millions – sera reversé aux actionnaires de la même manière qu’auparavant. Nous allons continuer d’appliquer la même politique de redistribution des bénéfices sous forme de dividendes que par le passé, à savoir une proportion située entre 85% et 90%. C’est notre philosophie d’entreprise : nous considérons que les fonds propres ne nous appartiennent pas et, dès lors que nous en avons suffisamment pour la gestion des affaires de la BCV, nous redistribuons le reste à nos actionnaires.

Plusieurs banques cantonales disposant de modèles d’affaires comparables ont renforcé leurs activités dans la gestion d’actifs ces dernières années. Quelles sont les ambitions de la BCV sur ce plan?

Il est utile de comparer trois types d’activités au sein de la BCV. Premièrement, dans la gestion de fortune internationale, il n’y a pas de perspective de croissance possible pour un établissement comme la BCV actuellement. Le nombre de nos clients étrangers a diminué ces dernières années, aussi en raison de notre volonté de ne gérer que des avoirs déclarés fiscalement. Nous nous concentrons sur seulement 14 à 15 pays avec lesquels nous avons des activités transfrontalières - plus ne serait pas possible. Deuxièmement, dans la gestion de fortune locale ou régionale, qui inclut aussi Piguet Galland & Cie, notre objectif est de croître au minimum à la même vitesse que celle de notre marché, soit d’environ 3 à 4% par an.

Nous cherchons plutôt à nous
différencier dans des domaines de niche.
Et dans la gestion institutionnelle à proprement parler?

Dans ce troisième domaine, les perspectives de développement sont relativement bonnes. Nous sommes leader dans le canton de Vaud et dans une partie de la Suisse romande. Ce n’est en revanche bien sûr pas le cas en Suisse alémanique, alors que 70 à 80% de la gestion institutionnelle en Suisse est gérée à partir de Zurich. Néanmoins, nous disposons déjà d’une petite équipe de quatre personnes à Zurich qui enregistre des succès intéressants. En outre, comme les investisseurs voient que nous parvenons année après année à améliorer nos résultats, cela les rend aussi plus attentifs à ce qui se passe du côté de Lausanne. La gestion institutionnelle est un domaine d’activité qui mobilise peu de fonds propres et nous avons tout intérêt à nous développer sur ce créneau.

Dans quels segments en particulier?

Dans les fonds immobiliers ou les actions suisses par exemple. Nous ne cherchons pas à proposer des produits indiciels, qui ne seraient rentables qu’avec d’importants volumes, mais nous cherchons plutôt à nous différencier dans des domaines de niche.

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