Investissement responsable et gestion indicielle

Nicolette de Joncaire

3 minutes de lecture

L’intégration des critères ESG dans la gestion indicielle fait son chemin. Entretien avec Isabelle Bourcier de BNP Paribas AM.

Contrairement aux idées reçues – et au terme de «passive» qui la caractérise –, la gestion indicielle peut se montrer capable de soutenir l’engagement responsable exigé par des investisseurs de plus en plus nombreux. Si encore récemment, la sélection de titres sur la base de critères environnementaux, sociaux, et de gouvernance (ESG) restait synonyme de gestion active, portés par une demande croissante, les ETF intégrant ces critères se multiplient. Le point avec Isabelle Bourcier, Responsable des gestions quantitatives et indicielles de BNP Paribas Asset Management.

Quelle sera la grande tendance pour la gestion indicielle en 2019?

Avec la prise de conscience de la responsabilité qui incombe aux investisseurs de manière générale, et plus particulièrement celle de la nécessité d’un engagement envers les enjeux climatiques, le point focal en 2019 est, sans ambiguïté, l’ESG. Depuis la COP 21 de 2015 et avec le plan d’action de l’Union Européenne de soutien à la croissance durable, annoncé en mars 2018, est née une harmonisation autour de la thématique environnementale. La gestion indicielle peut et doit répondre à ces exigences, en permettant aux gérants d’intégrer ces facteurs dans leurs allocations.

L’approche «positive» ou «best-in-class» permet
de sélectionner les entreprises les plus «vertueuses».
Comment intègre-t-on l’ESG dans une gestion indicielle?

La logique est similaire à celle des indices de type smart beta où la sélection des titres va se faire sur la base de critères fondamentaux ou de prix. Cette analyse ESG s’appuie sur des équipes de recherche spécialisées. Certains promoteurs d’indices n’hésitent pas à utiliser le terme facteur ESG par similitude à des facteurs de type Value ou Qualité. Partant d’un univers de référence, par exemple le MSCI Europe, il est possible de faire soit de l’intégration ESG de sorte que la note ESG du portefeuille soit améliorée ou bienfaire de l’ISR. L’ISR combine exclusions et approche «positive» en sélectionnant les entreprises les plus «vertueuses» sur la base de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. Dans un premier temps, l’exclusion élimine les titres qui appartiennent à des secteurs d’activité jugés éthiquement inacceptables comme les armes, le tabac, les jeux, la pornographie, les OGM, le charbon thermique ou le nucléaire et les sociétés sujettes à controverses. Dans un second temps, l’approche «positive» ou «best-in-class» permet de sélectionner les entreprises les plus «vertueuses».

Cette approche ne rend-elle pas les portefeuilles étroits et n’obère-t-elle pas la performance?

Certes, les portefeuilles sont plus étroits mais nous avons observé que sur des périodes longues la performance et le ratio de Sharpe des indices ESG sont meilleurs que ceux des univers plus généraux. Ce filtrage permet également de réduire le risque de réputation qui est susceptible de peser lourdement sur le prix d’une action.

Quelles stratégies exploitez-vous dans ce contexte?

L’une d’entre elles est à l’origine de l’un des premiers fonds indiciels cotés, sur la thématique du «bas carbone», lancé en 2008. Cet ETF, proposé en réplication physique et négociable en Suisse, réplique l’indice Low Carbon 100 Europe d’Euronext, construit avec le soutien d’un comité scientifique de renom, du Carbone Disclosure Project (CDP) et de la société spécialisée Carbone 4. L’indice offre un panier de valeurs choisies parmi des entreprises ayant une contribution positive à la transition énergétique, tant au travers de leur propre performance carbone que par l’impact positif de leurs produits ou services sur le climat.

La gestion indicielle a été portée par des taux bas et par une réglementation
qui accentue la transparence des frais et vise à éliminer les rétrocessions.
Pensez-vous appliquer également l’ESG à la gestion indicielle obligataire moins abondante que celle sur les actions?

Oui nous travaillons dans ce sens et avons lancé sur Euronext un premier ETF sur un indice ISR sur les obligations d’entreprises de qualité Investment Grade.

Un aspect important de l’ESG est celui de la gouvernance. BNP Paribas exerce-t-il une forme d’activisme auprès des entreprises dans lesquelles vous investissez?

Nos clients nous posent souvent des questions sur l’engagement concernant les positions détenues par BNP Paribas Asset Management dans ses fonds de gestion indicielle et la réponse est  la suivante. En tant qu’investisseur responsable, BNPP AM engage le dialogue avec les entreprises dans lesquelles elle investit, afin de les encourager à adopter des pratiques responsables et évalue la façon dont sont intégrés les critères ESG dans leurs activités. Par ailleurs, nous avons également renforcé notre politique de vote en y intégrant  la notion de dividende durable et responsable  pour faire progresser la transparence en matière de politiques de rémunération au sein des conseils d’administration. Cela permet de promouvoir une gouvernance d'entreprise de haut niveau et d’encourager l’adoption des meilleures pratiques sociales (équité) et environnementales.

On entend souvent que la gestion passive a de bons résultats sur les marchés haussiers mais qu’en temps de turbulences, la gestion active est plus performante. Qu’en pensez-vous?

En termes de collecte, la gestion indicielle a été portée par des taux bas et par une réglementation qui accentue la transparence des frais et vise à éliminer les rétrocessions (MiFID en Union européenne ou RDR en Grande-Bretagne). Son essor n’est pas seulement question de performances mais, en premier lieu, d’efficacité de mise en place d’une allocation diversifiée par les gérants, qu’ils soient institutionnels ou opèrent, comme les banques privées, pour le compte de particuliers. Dans un portefeuille bien diversifié à l’international, un gérant ne peut être champion du stock picking sur chaque marché. Les ETF lui permettent d’exprimer ses vues avec une grande agilité, notamment sur des marchés sur-couverts où il est difficile de battre les indices (large caps US), peu profonds (bourses de l’Asie du Sud-est) ou difficiles d’accès pour des raisons de devises, de quotas ou de stamp duty (bourses chinoises). La gestion active de conviction conserve toute sa primauté sur certains marchés spécifiques, notamment la dette privée ou l’alternatif.

Entre gestion indicielle et gestion quantitative, vous êtes responsable de portefeuilles se montant à environ 40 milliards d’euros à fin janvier 2019. A combien estimez-vous la part gérée conformément à l’ESG? De combien pensez-vous qu’elle augmentera cette année?

Nous sommes en phase de développement sur l’ESG, un développement qui s’est accéléré en 2018. La gestion indicielle compte ainsi dores et déjà plus de 2 milliards d’euros d’encours et les gestions quantitatives près de 1,7 milliard d’euros. C’est un axe fort de développement pour nos gestions.