Investir dans des obligations sociales pour faire face au COVID-19

Yves Hulmann

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Philipp Müller, le directeur de BlueOrchard, explique le rôle que peut jouer l’investissement d’impact face à l’épidémie.

Face à l’épidémie de coronavirus, les Etats, les organisations non-gouvernementales multiplient les plans de relance et les actions de soutien, alors que les institutions financières accordent différentes facilités de crédit. Les sociétés spécialisées dans la microfinance et la finance d’impact ne sont pas en reste. Le point avec Philipp Müller, le directeur de BlueOrchard Finance, une société spécialisée dans l’investissement d’impact rattachée désormais au groupe Schroders.

Fin mars, le BlueOrchard UCITS Emerging Markets SDG Impact Bond Fund a annoncé avoir investi dans une obligation sociale («social bond») émise par l’International Finance Corporation (IFC) destinée à répondre à l’épidémie de COVID-19. Pouvez-vous préciser le concept d’une obligation sociale?

Cette obligation vise à répondre aux besoins urgents en matière de santé et à limiter l’impact économique de la pandémie, ce qui fait qu’elle s’inscrit bien dans le cadre du mandat de notre fonds d’impact obligataire. L’émission de cette obligation fait suite aux annonces effectuées en mars par la Banque mondiale qui s’est engagée à mettre à disposition quelque 14 milliards de dollars afin de soutenir les économies, de maintenir des emplois et de renforcer la préparation des systèmes de santé publics face l’arrivée de la pandémie de coronavirus. L’International Finance Corporation (IFC) jouera un rôle important dans le déploiement des fonds mis à disposition par la Banque mondiale.

«Dans le domaine financier, le but est de mettre à disposition des prêts
aux petites entreprises qui souffrent des effets de la pandémie.»
Les fonds récoltés seront-ils alloués essentiellement à des domaines liés à la santé ou serviront-ils aussi à soutenir d’autres objectifs de développement durable (ODD)?

Bien sûr, une part importante sera affectée au domaine de la santé. Toutefois, le concept des obligations sociales est justement de définir différents objectifs se rapportant à différents domaines en lien avec les objectifs de développement durable (ODD). Par exemple, dans le domaine pharmaceutique, les fonds récoltés pourraient servir à financer la recherche et le développement d’outils de tests, de vaccins ou d’autres médicaments destinés à alléger l’impact du virus. Dans ce cas, cette action serait liée au troisième ODD (santé et bien-être). Dans le domaine financier, le but est de mettre à disposition des prêts aux petites entreprises qui souffrent des effets de la pandémie. Dans ce cas, un lien peut être établi avec le huitième ODD (travail décent et croissance économique). Et s’agissant de l’industrie manufacturière, le but sera d’assurer que la santé des collaborateurs soit mieux protégée grâce à la mise à disposition d’équipements adéquats (masques, gants, etc.). Ici, on retrouve aussi un lien avec le 3ème ODD déjà évoqué précédemment.

Le BlueOrchard UCITS Emerging Markets SDG Impact Bond Fund avait été lancé il y a deux ans. Qui investit essentiellement dans un tel fonds – des privés, des institutionnels?

Une des raisons pour lesquelles nous avons décidé de lancer ce fonds est justement de le rendre plus facilement accessible à l’ensemble des investisseurs. Le fonds a été conçu pour les investisseurs qui sont à la recherche d’une alternative liquide et dont la taille est adaptable aux fonds d’impact traditionnels qui sont, eux, moins liquides. En utilisant le format UCITS, les investisseurs peuvent y avoir accès plus facilement.

«Notre base d’investisseurs reste fidèle
à son engagement dans l’investissement d’impact.»
Un des arguments souvent mis en évidence par les sociétés qui proposent des solutions de placement dans finance d’impact ou de la microfinance est la dé-corrélation de ces instruments avec les autres classes d’actifs existantes sur le marché. Est-ce aussi le cas avec votre fonds?

Dans le cas présent, compte tenu des investissements effectués dans des instruments négociés publiquement sur le marché tels que l’émission de l’IFC liée au COVID-19, l’effet de décorrélation avec d’autres classes d’actifs n’est peut-être pas aussi prononcé qu’avec d’autres véhicules lancés précédemment et qu’avec les mandats de type «blended finance». Néanmoins, il s’agit quand même d’un univers d’investissement très spécifique, qui reste moins corrélé avec les indices par exemple.

De manière générale, comment ont réagi les investisseurs depuis le début de la crise du coronavirus – sont-ils encore intéressés à investir dans la finance d’impact?

Les turbulences récentes sur les marchés ont entraîné une aversion envers le risque significative chez les investisseurs. Malgré tout, notre base d’investisseurs reste fidèle à son engagement dans l’investissement d’impact et dans les objectifs de développement durables visés. Certains investisseurs ont même augmenté leur allocation dans ces placements, d’autres ont reporté, temporairement, leur décision d’investissement en raison des conditions sur les marchés. Les temps sont difficiles mais cela ne veut pas dire pour autant que les investisseurs se détournent de l’investissement d’impact.