ETF et placements durables sont un oxymoron!

Yves Hulmann

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Pour Hamish Chamberlayne de Janus Henderson Investors, seule une gestion active permet d’intégrer la durabilité dans une stratégie d’investissement.

 

L’investissement durable poursuit son essor. Rien qu’en Suisse, les montants investis dans les placements durables ont quadruplé en l’espace trois ans pour avoisiner les 400 milliards de francs à fin 2017, selon des chiffres publiés en mai par Swiss Sustainable Finance, dont l’antenne genevoise organisait vendredi sa journée de conférence annuelle. Pour mesurer le chemin parcouru par l’investissement durable au cours de ces dernières années, Allnews.ch s’est entretenu avec Hamish Chamberlayne, le responsable des placements durables (Head of SRI) chez Janus Henderson Investors. Cette société gère l’un des plus anciens fonds durables au monde, soit depuis 1991.

Janus Henderson gère un fonds dédié aux placements durables qui compte parmi les plus anciens au monde. Quelles en sont les caractéristiques principales?

S’il est maintenant très à la mode de dire que l’on a des produits consacrés à l’investissement durable ou ESG parmi ses solutions de placements, Janus Henderson peut se prévaloir de gérer un fonds durable depuis maintenant plus d’un quart de siècle. Une des raisons du succès de notre fonds, dont le volume a constamment augmenté pour dépasser désormais le milliard de dollars d’actifs sous gestion, est d’avoir toujours eu une approche réellement active.

Se limiter à exclure quelques titres à partir d’un indice global,
puis d’affirmer qu’il s’agit de placements durables ne suffit pas.
Vous ne redoutez donc pas la concurrence des ETF durables?

Non, je suis convaincu qu’il est nécessaire d’avoir une approche active lorsque l’on veut investir de manière durable. Se limiter à exclure quelques titres à partir d’un indice global, puis d’affirmer qu’il s’agit de placements durables ne suffit pas. De mon point de vue, ETF et placements durables constituent un oxymoron!

Compte tenu de votre expérience dans ce domaine, qu’est-ce qui a le plus changé au cours des dernières années en matière de placements durables?

Le plus grand changement ne se situe pas dans les processus de sélection des sociétés en fonction des critères ESG ou ISR mais plutôt dans le fait que les gens sont, eux-mêmes, devenus beaucoup plus conscients des questions liées à la durabilité. C’est aussi lié à la tenue de deux événements clés qui ont été, d’une part, l’accord de Paris sur le climat en 2015, puis la publication des objectifs de développement durable (ODD) des Nations-Unies. Un autre changement très important est aussi que beaucoup d’entreprises conçoivent et organisent désormais l’ensemble de leurs activités en conformité avec les principes de développement durable. Pour un groupe de commerce de détail, par exemple, cela signifie que le but n’est pas se limiter à proposer une ligne de produits bio dans son assortiment mais d’organiser l’ensemble de sa chaîne de valeur d’après les critères de développement durable.

Comment est constitué votre univers d’investissement?

Nous partons d’un univers d’ensemble constitué de plus de 5000 actions de sociétés actives sur le plan global. Après avoir appliqué un premier filtre en fonction de critères d’exclusion, de liquidité ou de capitalisation, il n’en reste plus que 800. Puis, après avoir tenu compte de critères ESG supplémentaires ainsi que d’autres critères financiers traditionnels, nous obtenons une « watch list » de 120 titres. Au final, nous retenons un nombre de 50 à 70 titres qui constituent notre portefeuille.

Même les voitures électriques sont fabriquées avec des éléments
tels que le cuivre qui proviennent aussi des mines.
Le fait de restreindre dès le départ votre univers d’investissement ne nuit-il pas à la performance?

Non, au contraire. La manière dont une entreprise prend en considération les critères ESG ou les principes SRI est souvent un excellent indicateur pour mesurer si une entreprise est bien gérée ou non.

Au sujet des critères d’exclusion, où placez-vous la limite?

Il faut différencier entre différentes activités. Nous n’excluons pas d’emblée tout le secteur minier par exemple. Car, même les voitures électriques sont fabriquées avec des éléments tels que le cuivre qui proviennent aussi des mines. Le critère est ici de savoir si une entreprise minière donnée applique de bons principes sociaux et environnementaux, qui permettent de limiter les dommages à l’environnement. En revanche, nous sommes beaucoup plus stricts concernant les énergies fossiles et encore davantage au sujet du tabac. Ces deux secteurs font l’objet d’une «hard exclusion» dans notre portefeuille. L’exemple du tabac est du reste intéressant en termes d’investissement: pendant longtemps, certains investisseurs ont acheté des sociétés liées à l’industrie du tabac en raison de leur caractère – supposé – être défensif. Or, en réalité, la performance financière de ces titres a été en fin de compte très faible sur une longue durée. Cela également en raison des pressions exercée par la société pour réduire ou interdire la consommation de tabac.

Dans quels secteurs investissez-vous? Pouvez-vous citer des exemples de sociétés incluses récemment dans votre fonds?

Il s’agit de sociétés issues de secteurs très divers. Dans le cadre du thème «connaissance et technologie», qui est le plus important avec une part de 28% dans notre fonds, nous avons par exemple investi dans Autodesk. Cette société irlandaise spécialisée dans les logiciels aide à concevoir des bâtiments plus durables. En outre, elle a aussi adopté un modèle de souscription rendent l’évolution de ses revenus plus prévisible. On peut aussi citer Texas Instrument.

Le fabricant de calculatrices?

Pas seulement. Texas Instrument est le leader mondial des semi-conducteurs analogues. Ceux-ci permettent de transformer une action réelle ou physique en un signal analogique. Ces outils sont essentiels dans l’optique d’une transition vers une économie à faible consommation en carbone.