D’autres valeurs technologiques sont préférables à Apple

Yves Hulmann

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Frank Schwarz, gérant chez MainFirst AM, identifie davantage de potentiel de croissance chez Alibaba, Amazon et Microsoft.

Miser sur des entreprises dont le chiffre d’affaires croît d’au moins 20% par année - indépendamment des secteurs et des variations de la conjoncture - est le credo affiché par Frank Schwarz, gérant d’un fonds en actions globales «non contraint» chez MainFirst Asset Management. Si le secteur des technologies représente toujours près de la moitié (45%) du fonds, suivi par les biens de consommation cycliques avec plus d’un cinquième (22%) du total de ses positions, le gérant allemand n’investit de loin pas dans tous les poids lourds de la tech américaine. Au contraire, il s’est défait en 2016 de l’ensemble de ses positions dans Apple, un groupe qui, selon lui, ne croît plus suffisamment et qui néglige l’innovation. Entretien avec Frank Schwarz.

Quels sont les principaux critères d’investissement utilisés pour sélectionner les valeurs figurant dans votre fonds en actions globales?

Nous nous posons toujours d’abord la question de savoir quelles entreprises disposeront du plus grand potentiel de croissance durant les cinq à six prochaines années et lesquelles d’entre elles afficheront alors la plus grande capitalisation boursière. Plus concrètement, nous sélectionnons des entreprises qui sont capables d’atteindre une croissance de leur chiffre d’affaires et de leurs bénéfices de plus de 20% par année. Si elles y arrivent, la valeur de l’action suivra à long terme cette évolution.

«La forte croissance affichée par les sociétés que nous sélectionnons
est de nature structurelle – non pas conjoncturelle.»
Ces objectifs sont-ils atteints actuellement par tous les titres qui figurent dans votre portefeuille?

Si l’on se base, par exemple, sur les chiffres du deuxième trimestre 2019, les sociétés faisant partie de notre fonds ont vu leur chiffre d’affaires croître de 23% en moyenne, comparé à 2% en moyenne pour les titres de l’indice MSCI World, tandis que leur bénéfice opérationnel a même progressé de 34% en moyenne.

De tels objectifs resteraient-ils valables si la croissance de l’économie mondiale devait continuer de ralentir?

Oui, car la forte croissance affichée par les sociétés que nous sélectionnons est de nature structurelle – non pas conjoncturelle. Bien sûr, en cas de net ralentissement de la croissance de l’économie mondiale, il se pourrait que la croissance moyenne des titres inclus dans notre portefeuille n’atteigne plus que 15% pendant une ou deux années, voire seulement 10% - mais elle ne tombera pas à zéro. Ensuite, une telle phase de ralentissement serait certainement suivie par un net rebond.

Si l’on considère les principales positions selon leur capitalisation boursière qui figurent dans notre fonds – soit, dans l’ordre, LVMH, Wirecard, MTU Aero Engines, Alibaba Group, Microsoft, Alibaba, United Ren, Adobe, Tencent, Keyence -, toutes ces sociétés affichent des taux de croissance de leur chiffre d’affaires très supérieurs à la croissance de l’économie mondiale ou des régions où elles sont principalement actives.

«La stagnation des ventes de l’iPhone pèse toujours davantage.»
La technologie représente toujours près de la moitié de votre fonds. Pourtant, un géant de la tech comme Apple n’y figure pas. Pourquoi?

Entre 2010 et 2013, Apple a figuré dans le «Top 3» de nos positions et c’est en 2015 que nous avons acheté les dernières actions de la société. Depuis, le groupe n’a pratiquement plus progressé du point de vue de son chiffre d’affaires étant donné que s’agissant de l’iPhone le pic a été atteint avec le modèle 6 plus max. Aujourd’hui, il n’y a pratiquement plus aucun développement important du côté du hardware. Or, comme je l’ai déjà mentionné, nous privilégions des sociétés qui affichent une hausse de leur chiffre d’affaires d’au moins 20%. S’agissant des services d’Apple, nous sommes très optimistes quant à leur développement – toutefois, la stagnation des ventes, beaucoup plus importantes, de l’iPhone pèse toujours davantage. Nous sommes aussi positifs au sujet de l’action Apple mais nous voyons davantage de potentiel sur le long terme chez Alibaba, Amazon ou Microsoft.

L’action Apple a pourtant évolué positivement ces derniers mois?

Certes, mais en comparaison d’autres actions technologiques comme Amazon, Adobe ou Nvidia, le titre d’Apple a largement sous-performé ces titres. Depuis le lancement de notre fonds en 2013, plusieurs autres titres technologiques ont beaucoup plus contribué à la performance de notre fonds. Dans l’ordre, les contributions les plus élevées ont été apportées par Facebook (8,2%), Amazon (6,4%), Nvidia (6,05%), Adobe (5,6%) et Keyence (5,6%).

«Apple est moins innovant que Google Stadia qui propose des jeux
sur différents terminaux, sans nécessiter un appareil spécifique.»
Début novembre, Apple lancera un nouveau service de vidéos en streaming. Dans le domaine des jeux, le groupe mise aussi sur la plateforme d’abonnements «Apple Arcade». N’est-ce pas un relais de croissance intéressant pour un groupe qui peut s’appuyer sur des applications déjà installées sur des millions de téléphones portables et de tablettes à travers le monde?

Concernant Apple TV+, Apple va tenter d’établir son service de vidéos en streaming à l’aide d’une politique de prix très offensive, avec des prix parfois inférieurs de moitié à ceux de la concurrence mais avec un choix plus restreint. Quant à Apple Arcade, l’offre sera aussi meilleur marché que celle de la concurrence mais les jeux seront proposés sous forme de téléchargement. Ici, Apple est moins innovant que Google Stadia qui propose des jeux pouvant être utilisés sur différents terminaux, sans nécessiter un appareil spécifique.

Alibaba et Tencent font aussi partie des principales positions dans votre portefeuille. Les plateformes de commerce en ligne ne risque-t-elle pas de pâtir du ralentissement de l’économie chinoise et de la concurrence des plateformes américaines qui limite leur potentiel de croissance ailleurs en Asie?

Alibaba, tout comme Tencent, vont pouvoir utiliser leur très forte position sur le marché domestique chinois pour proposer aussi des services de divertissement en ligne en Chine. En outre, le marché intérieur chinois est déjà tellement vaste que ces deux sociétés n’ont pas absolument besoin de réussir hors de Chine pour continuer de croître. Je suis persuadé que Alibaba et Tencent figureront en 2025 dans le Top 5 des plus grandes entreprises mondiales.