Coup de projecteur sur la finance durable

Nicolette de Joncaire

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Edouard Cuendet: «Le Canton de Genève bénéficie d’un écosystème unique au monde, propice au développement de la finance durable».

La finance durable n’est plus une activité de niche. Le volume des placements durables a progressé de 83% l’an dernier en Suisse, atteignant plus de 10% du total des actifs sous-gestion. Pour que la Suisse soit à l'avant-garde de ce mouvement inéluctable, il lui faut prendre l’initiative de diriger volontairement les flux financiers vers des activités durables et démontrer son excellence dans les méthodes de gestion qui mènent à des économies durables. Placée au croisement d’une expertise financière historique et d’une présence forte des organisations internationales, Genève réunit une grande partie des atouts qui peuvent la mener à devenir un leader du domaine. Elle a pris la décision d’aller de l’avant comme en témoigne le Building Bridges Summit qui se tiendra le 10 octobre. Reste à développer une réglementation incitative et à placer la finance durable au cœur du conseil en investissement. Entretien avec Edouard Cuendet, directeur de la Fondation Genève Place Financière.

La durabilité est l’affaire de tous. Est-ce sur ce principe que Building Bridges est consacré à la coopération entre les institutions internationales, les autorités suisses et la place financière genevoise?

Le Canton de Genève bénéficie d’un écosystème unique au monde, propice au développement de la finance durable. En effet, il réunit sur son sol les organisations onusiennes, des ONG, des fondations privées, un secteur académique de pointe et, bien entendu, des institutions financières dont la réputation n’est plus à faire. Tous ces acteurs ont mis leur énergie en commun, avec les autorités fédérales, cantonales et municipales pour mettre sur pied le sommet «Building Bridges» du 10 octobre 2019. Cet événement d’envergure concrétisera la notion de pont reliant la rive onusienne et la rive financière autour d’un objectif commun, à savoir la mise en avant de compétences en asset management au service de la durabilité et, plus particulièrement, de la réalisation des objectifs de développement durable de l’ONU (SDGs).

Un fonds de placement sur cinq
est durable dans notre pays.
La demande des investisseurs pour l’investissement durable est-elle aujourd’hui clairement exprimée?

Les chiffres publiés par Swiss Sustainable Finance (SSF) démontrent que les investisseurs sont demandeurs de produits répondant à une approche durable. Avec une croissance de 83% en 2019, ces capitaux ont atteint plus de CHF 716 milliards en Suisse. Un fonds de placement sur cinq est durable dans notre pays. Cela illustre combien les aspects sociaux, environnementaux et de bonne gouvernance conditionnent aujourd’hui les comportements en matière de placement. Cela prouve aussi que les asset managers ont su développer des stratégies répondant aux exigences de cette clientèle. Les investisseurs institutionnels sont appelés à jouer un rôle moteur dans la transition vers la durabilité. Ils représentent déjà 88% de ce marché.

La réglementation est-elle incitative? Quelles seraient les différentes orientations à suivre?

Parmi les investisseurs institutionnels, les caisses de pension suisses sont aux premières loges. Toutefois, elles sont bridées dans leur volonté de se tourner vers des produits plus durables. En effet, la législation actuelle leur impose des cautèles très (trop) strictes. Certains politiciens ont pris conscience de ces obstacles et ont déposé différents textes destinés à rendre plus aisée une allocation d’actifs durables. La Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du Conseil des Etats a été saisie de plusieurs postulats en ce sens. L’un d’entre eux vise à abroger dans l’Ordonnance sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (OPP2) les dispositions relatives aux placements autorisés et aux limites par catégorie. Le respect de la règle de l’investisseur prudent est maintenu afin d’assurer une diversité suffisante des actifs et d’éviter une prise de risque inconsidérée. Un second postulat tend à supprimer le droit de timbre et à réformer l’impôt anticipé.  Ces démarches méritent d’être soutenues. En effet, on peut faire preuve de la meilleure volonté du monde en termes de durabilité, mais elle restera lettre morte si les conditions-cadres légales et fiscales en vigueur dans notre pays empêchent le développement de ce type d’investissements.

Cette notion de durabilité doit également être incluse dans la filière
de l’apprentissage ainsi qu’au niveau de la formation continue.
La formation des conseillers en placement est-elle suffisante? Que faudrait-il faire pour qu’ils guident correctement leurs clients?

Un des atouts majeurs de notre place financière demeure sans conteste le niveau de compétence très élevé des collaboratrices et collaborateurs. La formation joue un rôle primordial pour le maintien et le développement de cette excellence. Le cursus universitaire ainsi que le Certificate of Advanced Studies (CAS) de la Haute école de gestion en finance durable contribuent à cet effort commun visant à ancrer la finance durable dans le cœur des compétences-métiers. Cette notion de durabilité doit également être incluse dans la filière de l’apprentissage ainsi qu’au niveau de la formation continue.

Quel rôle peut jouer la Fondation Genève Place Financière?

La Fondation Genève Place Financière (FGPF) joue un rôle tout à fait concret dans le positionnement de Genève comme «hub» de la finance durable. Elle est l’une des trois organisatrices du sommet «Building Bridges» du 10 octobre prochain, aux côtés de Swiss Sustainable Finance (SSF) et de Sustainable Finance Geneva (SFG). Dans le cadre de la mise sur pied de cet événement, la FGPF a en particulier fédéré les principaux acteurs de l’asset management présents à Genève. Ces derniers pourront ainsi mettre en avant leurs compétences spécifiques en matière de gestion d’actifs, dans le contexte de la durabilité. Par ce biais, la FGPF met un coup de projecteur sur un facteur qui différencie clairement la Place genevoise de ses principales concurrentes au niveau mondial.

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