Convertibles moins sensibles à une hausse des taux

Yves Hulmann

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La protection des emprunts convertibles a toujours bien fonctionné lors des corrections survenues sur les marchés, selon Olivier Becker d’ODDO BHF.

 

Cet automne a été marqué par une nouvelle augmentation de la volatilité sur les marchés des actions, tandis que les rendements des emprunts d’Etat, en particulier aux Etats-Unis, ont repris leur mouvement de hausse. Dans un tel environnement, les emprunts convertibles sont souvent présentés comme une alternative aux actions et aux obligations pour les investisseurs. Quels sont les atouts spécifiques de ces placements? Le point avec Olivier Becker, responsable des obligations convertibles chez ODDO BHF Asset Management SAS.

En principe, les obligations convertibles ont pour avantage de participer davantage à la hausse des marchés des actions que ce qu’ils perdent en cas de baisse de ceux-ci. Cette relation fonctionne-t-elle dans toutes les situations de marché?

Historiquement, cela a été observé tous les ans si l’on prend en considération les deux dernières décennies sur le marché européen. En outre, on peut constater que l’aspect «protection» a particulièrement bien fonctionné les années où les marchés boursiers ont subi les plus importantes corrections. Cela a été le cas en 2001 et 2002 après l’éclatement de la bulle Internet. En 2002 par exemple, l’indice servant de référence pour les obligations convertibles (Exane ECI Euro) n’avait perdu que 5% de sa valeur quand l’indice actions Eurostoxx Total Return chutait de 33%. Idem en 2008 lors de la crise financière: l’indice de référence des obligations convertibles a reculé de 21% comparé à la chute de 45% de l’indice des actions. Enfin, lors de la crise de la dette souveraine européenne en 2011, le recul s’est limité à 10% pour la première catégorie contre une baisse de 15% pour la seconde.

Les obligations convertibles ont gagné 7% comparé
à 13% pour les actions en Europe.
Et qu’en est-il lors des fortes hausses des marchés?

L’année 2009 est intéressante à observer: en effet, alors que l’indice actions a rebondi de 28%, celui des obligations convertibles a également progressé de 22%. En 2017, les obligations convertibles ont gagné 7% comparé à 13% pour les actions en Europe.

Peut-on en déduire une règle générale?

Chaque année, les performances diffèrent bien entendu. On observe que les obligations convertibles participent, en moyenne, aux deux tiers (ndlr: source: OBAM SAS / 30.6.2018) du mouvement de hausse des actions mais qu’elles ne subissent qu’un tiers du mouvement de baisse. Pour revenir à la question de savoir si cela marche à tous les coups, on peut dire que oui – sauf si l’on arrive dans une situation dite «distressed», à savoir des entreprises n’ayant pas la capacité de remboursement de leur dette. C’est pourquoi il est très important d’investir dans des sociétés qui ont des fondamentaux de crédit solides. Il faut que le plancher obligataire tienne, sans quoi l’aspect protection d’une obligation convertible n’est plus valable.

N’investissez-vous dès lors que dans des sociétés faisant partie de la catégorie «investment grade» ou IG?

Pas nécessairement. Nous appliquons plusieurs filtres successifs lors de notre processus d’investissement. Le filtre concernant l’analyse de crédit est essentiel: nous n’investissons dans une société que si nous estimons que celle-ci est assez solide pour rembourser l’emprunt à l’échéance. Il peut aussi s’agir d’entreprises qui ont une note inférieure à IG, typiquement des sociétés disposant d’une note BB, voire simple B. Notre fonds a par exemple investi dans une capitalisation moyenne espagnole appelée Ence, notée BB, car ce fabricant de papier a continuellement amélioré ses ratios de crédit. Nous plaçons toutefois la limite à B-, nous ne souhaitons pas descendre jusqu’à CCC afin de limiter les risques de défaut. Il faut être extrêmement vigilant sur la qualité du crédit et savoir résister aux sirènes des rendements élevés à court terme.

En investissant parfois dans des entreprises ayant une note inférieure à IG, n’y a-t-il pas un risque que certains investisseurs institutionnels renoncent à investir dans vos fonds?

Le fait d’inclure certains titres ne faisant pas partie la catégorie «Investment Grade» ne nous a jamais empêché de collecter des fonds chez les institutionnels. Plus des deux tiers des titres dans nos fonds obligations convertibles ont une note IG. A noter aussi que notre fonds contient beaucoup d’obligations de sociétés non notées («not rated»). Pour celles-ci, nous nous basons exclusivement sur nos grilles de rating internes.

La composante actions contribue à réduire la sensibilité
des obligations convertibles aux variations des taux d’intérêt.
Les rendements des emprunts d’Etat à dix ans ont connu récemment une nouvelle poussée de fièvre aux Etats-Unis. Comment les obligations convertibles réagissent-elles en général lors des phases de hausses rapides des taux d’intérêt?

Ici aussi, les données historiques sont riches en enseignement. On peut en effet observer que les convertibles ont toujours mieux performé que les obligations classiques lors des périodes de hausse des taux d’intérêt. Cela peut s’expliquer par plusieurs facteurs. Tout d’abord, les obligations convertibles ont souvent des maturités plus courtes que les obligations «sèches». Ensuite, la composante actions contribue à réduire la sensibilité des obligations convertibles aux variations des taux d’intérêt. Enfin, celles-ci comprennent parfois des clauses permettant d’être remboursé avant l’échéance, ce qui réduit aussi les risques liés aux taux d’intérêt. Parmi les trois dernières phases de hausse importante des taux du Bund allemand à 10 ans – entre août 2005 et juin 2006; de novembre 2006 à juin 2007 et entre août 2010 et mars 2011 – les obligations convertibles en euros ont progressé de plus de 10%.

Les obligations convertibles restent un univers de niche en comparaison des actions et des obligations. Qui s’intéresse le plus à cette classe d’actifs?

Dans un contexte devenu un peu plus incertain pour les actions – notamment en raison de l’approche des élections de mi-mandat aux Etats-Unis, de l’incertitude sur le Brexit ou encore de la situation politique en Italie –, il y a davantage d’incitations à s’intéresser aux convertibles. Cette classe d’actifs peut être une alternative pour un investisseur en actions qui souhaite encourir moins de risques: plutôt que réallouer tout son portefeuille en actions vers des valeurs défensives, il peut, avec les convertibles, continuer de participer au mouvement de hausse tout en s’exposant moins à un risque de baisse, moyennant toujours un risque de perte en capital.

La taille du marché est tout de même restreinte.

Avec 80 milliards d’euros, le marché européen est suffisamment liquide et diversifié pour représenter une réelle solution d’allocation pour les investisseurs. En outre, il est régulièrement alimenté par de nouvelles émissions sur le marché primaire – comme celle d’Adidas par exemple le mois dernier. Par ailleurs, la classe d’actifs apporte un effet de diversification puisqu’il y a des différences d’exposition sectorielle avec le marché actions: par exemple, le secteur financier est bien moins représenté dans l’univers des obligations convertibles, tandis que l’immobilier est plus important.