Boutique pour actions suisses

Nicolette de Joncaire

2 minutes de lecture

«Coller à l’indice ne permet pas de tirer parti de la réussite des perles de l’industrie suisse», estime Alexandre Stucki de AS Investment Management.

 

Existe-t-il une place à Genève pour les gérants «boutique» à l’anglo-saxonne? Alexandre Stucki le pense et a joint le geste à la parole. Depuis 2006, la société, AS Investment Management, se concentre exclusivement sur les actions suisses, un modèle assez suivi en Suisse alémanique mais inexistant en Suisse romande. Fin août, AS Investment Management annonçait l’acquisition de Kaufmann Kapital AG à Zurich. Entretien.

Pourquoi une spécialisation exclusive sur les actions suisses?

Parce que la spécialisation permet de faire la différence dans un monde de plus en plus robotisé et parce que la gestion passive n’est pas en adéquation avec le marché des actions suisses sur lequel pèsent trois géants – Roche, Novartis et Nestlé – qui représentent près de 50% de l’indice et biaisent toute approche automatisée. En 10 ans, le SPI a gagné 50%. Sur cette même période la performance de Novartis et de Roche a été de 0% et celle de Nestlé de 10%. Ne vous méprenez pas: ce sont de très belles sociétés mais pas nécessairement de bons investissements. Tout comme ce fut vrai pour certains marchés nordiques – la Finlande avec Nokia ou la Suède avec Ericsson –, l’approche benchmarkée est vouée à la sous-performance et fait, en outre, courir des risques de concentration. Le marché suisse est parfait pour une gestion active fine, fondée sur une bonne connaissance de ses acteurs «secondaires». Nous en avons mesuré la performance depuis 50 ans: il surperforme à peu près n’importe quel indice mondial.

Les investisseurs institutionnels suisses appliquent
un niveau de tracking error faible ce qui peut nous porter tort.
Les poids lourds du marché suisse présentent donc un risque?

Une concentration trop importante de ces titres, en adéquation avec la capitalisation de marché, peut endommager la performance d’un portefeuille, en cas de coup dur. Coller à l’indice, ce que font les gérants passifs et certains gérants actifs qui pratiquent le «closet indexing» – est contraire à tout principe de diversification de l’allocation et ne permet pas de tirer parti de la réussite des perles de l’industrie suisse. Nous nous sommes positionnés à l’opposé, dans une optique de rendement absolu.

Vous vous êtes éloignés du benchmark. Est-ce bien accepté?

Pas toujours. Les investisseurs institutionnels suisses appliquent un niveau de tracking error faible ce qui peut nous porter tort. Les gérants suisses ne sont pas supposés trop s’éloigner de leur indice de référence, pour minimiser la prise de risque. C’est un principe que nous remettons en question.  

Comment mesurez-vous le rapport rendement/risque?

Nous mesurons la Value At Risk (VaR) de chaque portefeuille. Elle doit être inférieure à celle de l’indice de référence.

Nous travaillons directement avec des partenaires
de renom de la place financière.
Comment identifiez-vous ces «perles suisses» que vous évoquiez plus haut?

Nous sommes sur les routes, passant le plus clair de notre temps à rendre visite aux managers des entreprises suisses et à découvrir le potentiel souvent ignoré du savoir-faire suisse. Un nombre important de sociétés suisses sont des leaders mondiaux dans leur segment. Logitech est le premier fournisseur mondial d’accessoires de gaming, LEM d’équipement de pointe pour les voitures vertes, Geog Fisher de tuyauterie pour le transport de liquide et de gaz. Nous distancer de l’indice avec des sociétés comme Geberit, Straumann, Givaudan ou SGS nous permet de surperformer le SPI de 4% chaque année depuis cinq ans.

Comment sont structurés vos montants sous gestion?

Nous gérons un demi milliards de francs principalement dans deux fonds de droit suisse: un fonds long/only dont la volatilité est de l’ordre de 12 à 13% et un fonds long/short assorti d’une volatilité de 5%. Dans les deux cas, la volatilité est inférieure à celle du marché qui avoisine 15%. Le reste de nos actifs correspond à des mandats discrétionnaires sur lesquels nos honoraires de gestion tendent à être inférieurs à la moyenne, au-dessous de 1% mais auquel nous appliquons un «performance fee» de 10% assorti d’un High Water Mark. Nous travaillons directement avec des partenaires de renom de la place financière que nous connaissons depuis longtemps, tels que De Pury Pictet Turrettini & Cie et1875 Finance.

Il y a quelques jours, vous annonciez l’acquisition de Kaufmann Kapital à Zurich. Quel est le sens de cette reprise?

Une présence zurichoise est indispensable pour couvrir les sociétés suisses. C’est à Zurich que sont situés la plupart des centres décisionnels, que prennent place la plupart des road shows. Être présent dans les deux centres économiques nous rendra plus performants. Je connais Alexandre Kaufmann – qui est maintenant notre troisième associé –, de longue date. Sa philosophie de gestion est tout à fait compatible avec la nôtre. Le sens de cette acquisition est d’accroître notre savoir et notre base de connexion avec les entreprises suisses. Bien davantage que d’augmenter les montants sous gestion.