Procès UBS: amende de 3,7 milliards d’euros requise contre la banque

AWP

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La plus lourde peine requise, deux ans de prison avec sursis et 500’000 euros, a été demandée contre l’ex-numéro 3 d’UBS AG Raoul Weil.

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Une amende record requise pour une fraude d’une «ampleur exceptionnelle»: le parquet national financier a réclamé jeudi 3,7 milliards d’euros au géant bancaire UBS AG, accusé d’avoir «en parfaite conscience» illégalement démarché de riches clients français et dissimulé des milliers de comptes non déclarés.

Dans un communiqué publié jeudi soir, la banque a rappelé qu’elle conteste vigoureusement toute responsabilité pénale dans cette affaire, et ce depuis le début de l’instruction.

Le montant de l’amende réclamée est inédit et il doit sanctionner «une attaque inacceptable contre le pacte républicain» à l’heure où l’évasion et le blanchiment sont devenus «un phénomène massif», avec «des méthodes industrielles», a expliqué le procureur Serge Roques.

UBS AG «est le numéro 1 de la banque privée, ce qui implique des devoirs», a-t-il estimé, appelant le tribunal correctionnel de Paris à «avoir à l’esprit l’échelle des sanctions au niveau mondial».

Pour l’accusation, «UBS AG et ses dirigeants avaient parfaitement conscience d’enfreindre la loi française» en venant démarcher des résidents fiscaux français lors d’«events», comme des réceptions, des compétitions sportives ou des parties de chasses.

Contre la filiale française, UBS France, accusée de complicité de démarchage illicite et de blanchiment aggravé, le PNF a requis 15 millions d’euros d’amende.

Le PNF a enfin demandé des peines de prison toutes assorties du sursis (de six mois à deux ans) et de très lourdes amendes à l’encontre de six hauts responsables de la banque en France et en Suisse.

La plus lourde peine requise, deux ans de prison avec sursis et 500’000 euros, a été demandée contre Raoul Weil, l’ex-numéro 3 d’UBS AG; 12 mois de sursis et 300’000 euros ont été requis contre Patrick de Fayet, l’ex-numéro 2 d’UBS France et promoteur des «carnets du lait», simple outil d’évaluation des banquiers selon la défense, comptabilité occulte destinée à masquer les mouvements transfrontaliers illicites pour l’accusation.

«L’art de faire diversion»

Ces lourdes réquisitions se veulent à la hauteur du «préjudice subi» par la société, mais témoignent aussi de la fin d’une époque: celle, bénie des coffres-forts suisses, où l’évasion fiscale n’était pas synonyme de fraude et où le secret bancaire se fissurait à peine dans la foulée de la crise financière mondiale et de son cortège de scandales.

«Quand tout va mal, c’est l’Etat qui vole au secours des banques. En échange de ce service, les Etats ont exigé des banques qu’elles cessent de s’abriter derrière le secret bancaire» pour permettre à ses clients d’échapper au fisc, a expliqué l’autre représentant du ministère public, Eric Russo.

«Ce procès n’est pas le procès du secret bancaire», mais «il devient problématique quand il devient un moyen» de contourner l’impôt, a-t-il encore dit.

Pendant les cinq semaines d’audience, le poids lourd mondial de la gestion de fortune a nié avoir franchi la ligne rouge de la légalité, se retranchant derrière le secret bancaire pour justifier son impossibilité d’évoquer ses clients.

Sans convaincre le parquet. «Depuis le début de ce procès, UBS fait mine de ne pas comprendre. Pourtant, UBS a reconnu avoir hébergé 17’000 contribuables américains», a rappelé Eric Russo: un démarchage illégal «très similaire» à l’affaire actuelle selon lui et qui a valu à la banque suisse de payer en 2009 une amende de 780 millions de dollars au fisc américain.

Les représentants de l’accusation ont tous deux pointé les tentatives «déplorables» des banquiers de détruire la crédibilité des lanceurs d’alerte, qualifiés de «traîtres» et de «maîtres-chanteurs».

De même, le parquet a peu goûté les déclarations à la presse du directeur juridique du groupe prévenant que la décision du tribunal concernant UBS serait scrutée par les marchés financiers dans le contexte du Brexit: «De l’art et la manière de faire diversion, et peut-être, d’exercer une sorte de pression sur votre juridiction».

Citant une série de témoignages d’anciens employés d’UBS, les procureurs ont affirmé que non seulement les chargés d’affaires suisses «étaient à Paris comme chez eux», mais que leur présence suscitait le mécontentement des commerciaux français, agacés de voir les Suisses «venir chasser sur leur terres».

Sur les rares documents retrouvés - les fichiers sur les reconnaissances d’affaires ayant été «systématiquement détruits» -, «les montants considérables démontrent une activité transfrontalière intense», pour l’accusation.

Mercredi, l’avocat de l’Etat français, partie civile, avait demandé une «réparation à hauteur de 1,6 milliard d’euros».

Aucune preuve que la loi française a été violée

UBS a réagi en réaffirmant que le PNF n’a apporté aucune preuve d’une violation de loi française a été violée par les anciens responsables de la banque. Quant aux amendes de 3,7 milliards d’euros contre UBS AG et de 15 millions contre UBS France (SA), le «PNF n’a pas donné de détails sur le calcul irrationnel de ces montants».

Selon la banque aux trois clés, l’amende requise contre UBS AG «résulte d’une approche simpliste prenant en compte le montant total des avoirs régularisés par les contribuables français sans aucun preuve des délits incriminés».

UBS conteste à nouveau vigoureusement toute responsabilité pénale dans cette affaire. Elle souligne qu’aucune preuve n’a été apportée qu’un client français aurait été démarché en France par un chargé d’affaires d’UBS AG. Elle relève qu’elle fera valoir ses arguments lors des plaidoiries de la défense dès lundi prochain.

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